Je n'oublie jamais Los Angeles


Dans le roman c''est à Los Angeles que Jason Gloves va rencontrer le collectionneur Herbert Kanno. Avant de le rejoindre dans sa villa sur Macapa Drive, il passe un moment dans la nouvelle aile du LACMA réalisée par Renzo Piano, puis rejoint et grimpe le mythique Mulholland drive jusqu'aux collines d'Hollywood.

Cet épisode est en partie inspiré par mon voyage à Los Angeles où je me suis un peu extasiée (si si...) pendant trois semaines. Après New York, j'avais embarqué pour La Cité des Anges sur un vol bondé d'American Airlines avec la ferme intention de la dévorer. Débarquée vers minuit, je louais une voiture avec gps (c'était si vaste...) pour retrouver la maison d'une amie qui était alors en France, ironie... J'avais la clef et le code du système d'alarme et j'ai un peu stressé à l'idée de me retrouver plaquée sur le capot de ma voiture de location, cernée par trois véhicules de police aux sirènes hurlantes parce j'avais malencontreusement d éclenché l'alarme. Il n'en fut rien évidemment et je m'installais, fatiguée mais sereine dans une demeure aussi accueillante que zen.

Je déballais ma grande valise et installais quelques guides à portée de main, Fante, Bukowski, Elroy. On n'est jamais trop prudente...

Après, pendant vingt jours, j'ai piloté mon bolide de Santa Monica à Pasadena, de Malibu à Palm Springs, le Joshua Tree Park en escale merveilleuse, de Venice Beach aux collines d'Hollywood, j'ai arpenté des galeries, des musées, des jardins, des quartiers, des bibliothèques, des boutiques, des cafés littéraires, des bars, j'ai fait de la bicyclette le long du Pacifique, je me suis pâmée au Lacma, au Moca, au Getty center, j'ai même rencontré une vielle dame qui promenait ses quatre chiens sur la plage et qui aimait tant la France où elle n'était jamais allée. Elle avait chantonné Le temps des cerises avec une voix si éraillée, c'était sublime.

Bref, vous comprendrez qu'il n'y avait aucune forme d'objectivité dans la manière dont j'appréhendais l'aventure. J'avais craint le gigantisme et la réputation, je me sentais instantanément comme à la maison. Celle que j'occupais se trouvait à cinq minutes du Pacifique et tous les matins ou presque, avant de commencer mes explorations, j'allais boire un breuvage chaud au Novel Café ( il y avait des étagères remplies de romans...) à Santa Monica ou faire un peu de bicyclette sur la promenade à Venice. C'était début mars, il faisait bon avec quelques pluies passagères, j'avais la sensation non pas de visiter LA mais d'y avoir tout juste emménagé. Après le rythme endiablé de New York, je me sentais décontractée, disponible, presque nonchalante et je me laissais porter par les envies et curiosités matinales, un café fumant sur la table bordée d'une rangée hétéroclite de livres ou profitant d'un soleil tendre à la terrasse du Peer's café devant la plage.

Il y eut ce matin où je filais au LACMA, Le musée de Los Angeles sur le Wilshire Boulevard qui venait de s'agrandir avec la nouvelle aile (un musée en soi) consacrée à la collection contemporaine du très riche Eli Broad*. Une cour monumentale de lampadaires de Chris Burden pour m'accueillir et un long escalator en plein air et lentement, je voyais apparaître la ville informelle, la nature, peut-être même l'histoire. Avant d'entrer, je suis allée jusqu'au bout de la passerelle d'où l'on pouvait apercevoir la marque, le signe, le symbole de LA : les lettres géantes qui forment le mot Hollywood. C'est là que je décidais de les approcher de plus près, après ma visite. Je passais quelques heures dans ce vaisseau lumineux et spacieux où je me délectais de Baldessari, Ruscha, Lichtenstein, Johns, Sherman et de l'immense cage d'ascenseur transparente tapissée d'images et de déclarations de Barbara Kruger.

Je n'imaginais pas vivre une autre expérience artistique dans la foulée de celle-ci. Alors rejoindre les collines d'Hollywood était une alternative séduisante. J'étudiais quelques minutes mon plan de LA puis direction Nord Est... Et là je me suis un peu perdue, retrouvée sur Mulholland Drive, tourné dans un dédale de petites rues au pied des collines où se trouvent parmi les plus belles villas d'Hollywood. Je continuais de grimper (le signe est accroché tout en haut) laissant le lac réservoir sur ma gauche, encore et encore jusqu'à ce qui ressemblait à un cul de sac. Je voyais alors distinctement les lettres blanches*. Je garais la voiture près d'un chemin caillouteux qui s'engageait sur un terrain plutôt aride et broussailleux. Sur un petit panneau était inscrit No Entry. J'ignorais l'avertissement discret et commençais l'ascension. Au bout de dix minutes, le chemin s'évanouissait dans la garrigue et quelques cactus. Je ne pouvais pas aller plus loin, « Hollywood » à quelques dizaines de mètres. Alors j'ai sorti mon appareil photo. L'image n'a pas grand intérêt si ce n'est que j'étais le photographe …

Tous les jours je me préparais à une petite aventure. Elle furent toutes inoubliables.

Jason Gloves méritait bien un fragment de ma mémoire angeline.



*Le collectionneur Eli Broad est décédé au printemps 2021

* les lettres du signe Hollywood font un peu plus de 13 mètres de hauteur.

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